Daniel Spoerri
° 1930
Né à Galati (RO), vit à Vienna (AT).
L’artiste plasticien, écrivain et éditeur suisse Daniel Spoerri (°1930) est né en Roumanie sous le nom de Daniel Isaac Feinstein et son histoire familiale est plutôt exceptionnelle. Après que la Roumanie a porté allégeance à l’Allemagne nazie en 1940, son père tourne le dos au judaïsme et se convertit au christianisme, mais est quand même arrêté et tué en 1941. Sa mère qui est née sous le nom de Lydia Spoerri, a réussi à se réfugier en Suisse avec ses six enfants en 1942 grâce à sa nationalité suisse. Spoerri est adopté par son oncle et est officiellement naturalisé sous le nom de Daniel Spoerri. Pendant les années cinquante, il est danseur de ballet à l’Opéra de Berne, où il participe à plusieurs pièces avant-gardistes, notamment dans le rôle de Picasso. Dans les années qui suivent, il collabore avec des artistes révolutionnaires comme Jean Tinguely, Marcel Duchamp, Man Ray, Robert Filliou et Emmett Williams.
En tant qu’artiste, Spoerri est souvent associé au Nouveau Réalisme français. En 1960, il est l’un des premiers signataires du manifeste de fondation du mouvement avant-gardiste. Le point de départ est que la vie quotidienne doit constituer le sujet principal de l’art. Cette philosophie correspond aux principes du mouvement Fluxus qui a vu le jour quelques années plus tard. Celui-ci se caractérise aussi par une position très dadaïste orientée vers la joie, la spontanéité et l’humour. En tant qu’animateur et figure de proue de la scène avant-gardiste, Spoerri noue des liens étroits avec le monde de l’art international. Il vit simultanément une vie nomade entre Berne, Paris, l’île grecque de Symi, Düsseldorf, Bâle, Munich et Vienne. En 1997, il ajoute la ville toscane Seggiano à cette liste, où il ouvre le Il Giardino di Daniel Spoerri [le jardin de Daniel Spoerri], un jardin de sculptures qui expose des œuvres de ses amis artistes.
Son œuvre conceptuelle se concentre essentiellement sur la valeur artistique et culturelle de la nourriture. Ses « Tableaux-pièges » sont une forme d’art d’assemblage et d’objets sur lesquels il attache des ustensiles de table et des résidus. Les restes des repas, les assiettes, les couverts et les verres sont assemblés sur la table ou l’assiette et sont ensuite étalés sur un mur. Son premier Tableau-piège est intitulé « Petit-déjeuner de Kichka » et est créé avec les restes de petit-déjeuner de sa conjointe de l’époque. L’œuvre d’art se trouve dans la collection du MOMA. Un autre Tableau-piège est constitué de restes d’un repas qui a été mangé par Marcel Duchamp. Pour celui-ci, Spoerri a obtenu un prix record lors d’une vente aux enchères.
Son œuvre ne se limite toutefois pas à cette pratique, et elle peut même être considérée comme une « activité continue » plutôt qu’une œuvre dans le sens classique du terme. En 1959, il fonde les Editions MAT (« Multiplication d’art Transformable »), une entreprise artistique qui copie et produit (et vend !) des œuvres d’art tridimensionnelles d’artistes tels que Marcel Duchamp, Dieter Roth, Jean Tinguely et Victor Vasarely. L’une des productions les plus célèbres des Editions MAT était l’Indestructible Object [Objet indestructible] de Man Ray. Spoerri est considéré comme l’inventeur du concept maintenant très connu de « multiple » pour de tels travaux.
Pour l’inauguration en 1959 d’une exposition de son ami Jean Tinguely dans la Galerie Schmela à Düsseldorf, il a inventé quelque chose qui sera reconnu plus tard comme une « performance » : trois personnes lisaient en même temps trois textes avec trois approches différentes sur l’art de Tinguely.
En 1970, il publie son journal intime à propos de sa vie sur la petite île (presque inaccessible) des Cyclades grecques Symi, où il inscrit de nombreuses recettes de plats locaux qu’il mange là-bas. Le titre harmonieux de la publication s’inscrit à merveille dans le mouvement Fluxus : Mythology & Meatballs [Mythologie et boulettes de viande].
HW
* Note: Début de 1959, Daniel Spoerri travaille comme assistant manager à Darmstadt. Il est également éditeur de Material, une revue de poésie concrète. C'est au Hessenhuis qu'il fait ses débuts d'artiste. L'Autotheater, que le M HKA a obtenu l'autorisation de reconstituer, est probablement l'une des premières installations interactives dans le cadre d'une exposition d'art.